Les journalistes n’ont pas manqué de superlatifs pour parler de la journée d’aujourd’hui, car elle a marqué les esprits. Une chute de près de 8 %, on n’a pas vu ça souvent. C’est une journée exceptionnelle soit, mais pas unique si l’on considère les baisses de 2003 et de 2008 notamment.
Que s’est-il passé ? Tout ça pour un virus qui fait moins de victimes que la grippe saisonnière ? Oui et non. La chute d’aujourd’hui est le résultat d’une chicane entre l’Arabie Saoudite et la Russie. La demande de pétrole ayant significativement baissée depuis un mois à cause des Chinois en quarantaine qui ne se déplacent plus, le royaume d’Arabie Saoudite a négocié en fin de semaine avec les pays non-membres de l’OPEP, pour que tous réduisent leur production quotidienne de pétrole afin de maintenir le prix. La Russie aurait fait ce qui s’apparente à un doigt d’honneur, ce qui a eu pour effet que l’Arabie Saoudite a inondé le marché de son pétrole lundi matin, faisant chuter le prix de près de 20 %. Une lutte uniquement financière entre deux puissances pétrolières dont les effets sur le prix du baril relèvent du « jamais vu depuis la Guerre du Golf de 1991 ». On est loin du virus n’est-ce pas?
Pour le consommateur, une baisse du prix du baril de pétrole se reflète par des économies à la pompe lui laissant plus d’argent dans les poches pour dépenser. Il est établi qu’une baisse de 1 cent le gallon aux États-Unis se traduit par un budget de dépense de 400 millions de dollars à l’échelle du pays. C’est un coup de pouce inattendu pour stimuler l’économie soutenue on se rappellera, à 70 % par la consommation.
Le problème dans tout ça pour le Canada, c’est que nous avions déjà une économie ralentie par des blocus ferroviaires et un virus qui commence à migrer chez nous. Une baisse du prix du baril de pétrole n’aidera en rien. Remarquez que cela rend moins rentable des projets de pipeline ce qui en bout de piste, règlera un problème politique. Bon. On a un virus qui entraîne une chicane entre la Russie et l’Arabie Saoudite, qui risque de régler un problème politique canadien. On l’avait pas vu venir…
Quoi qu’il en soit, le Canada est probablement déjà en récession technique et cela sera confirmé plus tard cet été. Pas besoin d’être économiste pour comprendre que l’économie canadienne a ralenti en janvier et février et il reste encore quelques mois avant que la problématique du COVID-19 ne se règle. D’ailleurs, le chef de l’Organisation Mondiale de la Santé a déclaré aujourd’hui que cette pandémie sera la première que l’humanité réussira à contrôler et juguler par ses actions gouvernementales concertées. C’est rassurant.
Je sors actuellement d’une réunion téléphonique avec des gestionnaires de fonds et j’ai passé une bonne partie de l’après-midi à lire des rapports de gestionnaires qui finalement disent tous la même chose dans des mots différents: rien ne sert de céder à la panique. En fait cela sert uniquement les gestionnaires de portefeuille qui profitent de cette période de grande volatilité pour faire le plein de titres à rabais. Il ne faut pas oublier que lorsque quelqu’un vend ses actions en bourse, il y a un acheteur de l’autre côté du comptoir. Soit cet acheteur est inconscient, soit il a une information dont le vendeur ne dispose pas, soit il n’éprouve pas la peur du vendeur et fait abstraction de ses émotions au moment de la transaction. On comprendra que tel un chevreuil figé par les phares de l’auto qui arrive à grande vitesse, l’investisseur paniqué ne se sort pas de la situation avec tous ses morceaux.
Il ne serait vraiment pas étonnant que la journée de demain soit marquée par un rebond tout aussi spectaculaire que la chute d’aujourd’hui, me rappelant 2008 alors que les records de baisse étaient suivis par des records de hausse dans la même semaine.
Est-ce le bon moment pour investir, je ne dirais pas cela. De l’avis général des gestionnaires, investir dans le marché une fois que le rythme de propagation du virus dans le monde aura culminé est jugé sécuritaire, nous ne sommes pas encore là. Le problème c’est que la reprise risque d’être féroce et en forme de V. Il est alors pratiquement impossible d’acheter au plus bas. L’investissement régulier et périodique demeure encore une excellente manière de profiter de la baisse, à chaque fois qu’il y en a.
On constate donc que la crise actuelle est plus une crise biologique qu’économique, mais que ses effets vont impacter l’économie planétaire. Les gouvernements ont été clairs dans leurs actions via les banques centrales. Elles sont là et seront là pour mitiger les effets et éviter un effondrement de l’économie. En 2008, nous avons vu des manchettes selon lesquels le capitalisme tel que nous le connaissons est terminé. Les gouvernements et les banques sont intervenues avec efficacité et dix ans plus tard, nous sommes toujours là.
C’est une période de grandes volatilités comme j’en ai déjà vu d’autres. Cette fois-ci n’est pas différente. Nous l’avons déjà souligné, nous ne sommes pas des investisseurs spéculatifs et impulsifs. Notre méthode de gestion repose sur une bonne diversification de portefeuille, sur des gestionnaires solides, sur la discipline et sur la patience.
Le budget provincial c’est ce mardi, il y a de fortes chances que je vous réécrive…
À bientôt.
Merci pour les infos
Merci Eric, c’est tellement clair!
Bonne journée
Merci pour tes excellentes mises au point, c est tassurant
Bravo Eric
Tes commentaires sont des plus pertinents et peuvent rassurer les investisseurs inquiets. Je sais pour l’avoir vécu que ce n’est pas facile car nul n’a de boules de cristal pour prédire l’avenir mais l’historique du marché boursier, quand on le connaît, peut servir de guide voire de garde-fou pour tout investisseur. Tes multiples interventions sont importantes tout au long de cette crise, continue et merci.