On a manqué une marche?
L’année est toute nouvelle et pourtant, elle entrera dans l’Histoire pour nous avoir donné les fluctuations les plus fortes et brutales depuis 1928! Faut-il paniquer et tout vendre comme l’a écrit la semaine dernière un journaliste irresponsable londonien? Faut-il au contraire se lancer sur les aubaines qui se sont présentées cette semaine? Le Huard va-t-il cesser de baisser? Et va-t-on bientôt frapper le fond du baril (de pétrole)? L’investisseur est durement éprouvé et l’impression d’avoir manqué une marche est bien présente, s’agit de ne pas perdre pied.
Plusieurs raisons expliquent les baisses boursières des derniers jours, mais celle qui a probablement le plus d’impact est le problème chinois. Le ralentissement économique de l’Empire du Milieu est un état bien connu et nous l’avons tous compris, mais l’inefficacité du gouvernement chinois pour stabiliser son marché tient plus à la comédie qu’à la stratégie. Nous allons passer (presque) sous silence le tempérament « joueur » des Chinois qui découvrent la Bourse et l’ont mépris pour un casino au courant des deux dernières années, la poussant à une croissance illusoire de plus de 150 %. Le gouvernement chinois a instauré la semaine dernière des coupe-circuits boursiers pour permettre au marché d’éviter qu’il ne s’emballe avec les transactions électroniques ce qui a eu pour conséquence de précipiter justement les boursicoteurs au comptoir pour passer leurs transactions avant que les coupe-circuits ne soient en vigueur. Le gouvernement a annulé la mesure de protection. Improviser plus que cela, c’est difficile. On rappellera que les coupe-circuits sont un système mis en place aux États-Unis en 1988, après le krach d’octobre 1987. Ils permettent de bloquer toute négociation sur des actions à partir d’un certain pourcentage de baisse. La baisse du marché chinois, on le comprend, est déconnectée de la réalité économique et bien que l’économie nationale soit en ralentissement, il n’est pas en train de s’effondrer.
L’autre raison poussant les marchés planétaires à la baisse est la chute du prix du baril de pétrole, qui n’est pas encore terminée. Débutée par l’Arabie Saoudite, désireuse de faire arrêter la production pétrolière non-traditionnelle comme les sables bitumineux et la fracturation hydraulique (gaz de schiste) américaine, cette descente s’est accentuée par la production issue des puits dérobés par l’État Islamique dans leurs conquêtes territoriales. On s’entend que lorsqu’on a gratuitement une ressource comme un puit de pétrole, on se fiche pas mal du prix qu’on le vend et toute entente avec l’OPEP est utopique. L’Iran, juste pour en rajouter, vient d’obtenir une entente avec l’ONU et pourra recommencer bientôt à vendre son pétrole. Ce n’est donc pas demain la veille que nous referons le plein à plus d’un dollar le litre! À combien cela s’arrêtera-t-il? Probablement 20 $ le baril d’ici la fin de l’année. Le coût de production d’un baril de pétrole extrait traditionnellement (en plantant un tuyau dans le sable pour faire simple), ne coûte qu’environ 15 $, c’est le plancher plus un peu de frais de transport. Le Baril a fini la semaine sous les 30 $. Cette situation n’est pas cependant entièrement négative. Il y a actuellement une consolidation de l’industrie pétrolière canadienne pour faire face à un prix bas pour une longue période. La dernière en lice est la tentative de Suncor (Pétro-Canada) de mettre la main sur Canadian Oil Sands (COS), une transaction de plus de 6 milliards si les actionnaires de COS acceptent l’offre. Si Suncor est si agressive pour acheter son fournisseur c’est que la fin du Monde, ce n’est pas pour demain non plus. Un deuxième effet positif de la chute du baril de pétrole est la stimulation de la consommation (ce qui est favorable pour l’économie); si vous avez plus d’argent dans vos poches parce que l’essence coûte moins cher, vous allez peut-être changer votre téléviseur plus tôt. Et ça adonne bien, car tout le plastique contenu dans le téléviseur est un produit dérivé du pétrole et il coûte donc moins cher à produire (les entreprises vont faire plus de profits). Ajouter à cela que le transport des marchandises profite également de la baisse de leur coût principal et vous comprendrez que l’économie risque d’avoir un petit coup de pouce grâce au pétrole.
Le problème c’est que le Dollar canadien est intimement lié au prix du baril de pétrole, nous sommes un exportateur de pétrole, s’il y a excès de l’offre sur la demande, on en vend moins, les acheteurs ont moins besoin de devise canadienne ce qui la fait baisser. À combien cela s’arrêtera-t-il, probablement 62 cents US si on se rappelle que la dernière fois que le baril a été à 20 $, notre devise s’échangeait à ce prix. C’est excellent pour nos investissements étrangers. Au courant des trois dernières années, j’ai énormément recommandé de sortir nos investissements du Canada. Chaque fois que le Dollar baisse, la plupart de nos investissements montent!
L’économie canadienne devrait donc continuer de se contracter au courant des prochains mois. Nous sommes donc contents d’être investis ailleurs. La majorité de mes clients ne comptent pas 20 % d’actions canadiennes et la moyenne se situe à 9 %. Pourquoi pas zéro? Parce que certaines entreprises canadiennes sont très profitables, c’est le cas des institutions financières (Banques et compagnies d’assurances en tête), du Canadien National, du Canadien Pacifique (tiens, deux entreprises qui tirent profit de la baisse du carburant), de plusieurs entreprises d’effets spéciaux et de jeux vidéo pour n’en citer que quelques-unes.
Y a-t-il des aubaines sur le marché actuellement, car ça adonne bien, j’ai mes REER à investir? Oui et non, plusieurs gestionnaires m’ont récemment confié que l’évaluation moyenne des entreprises serait au point de « fair value » ou à « juste prix » plutôt qu’être en surévaluation comme pour le marché chinois. C’est une bonne nouvelle, si le plancher n’a pas été atteint, on n’est vraiment pas loin. C’est toujours une bonne chose qu’une fois de temps à autre, le marché rappelle aux boursicoteurs que c’est toujours l’investissement à long terme qui gagne. Warren Buffet, le gourou de l’investissement américain, a d’ailleurs déjà déclaré que : « contrairement à Dieu, le marché lui, ne pardonne pas à ceux qui ne savent pas ce qu’ils font! ». Ce n’est donc pas surprenant que j’utilise la connaissance, les ressources et l’expérience des gestionnaires pour offrir les meilleurs rendements possible à long terme à mes clients plutôt que de tenter de se faire croire qu’on est plus brillant que ces équipes. Laissons les gestionnaires faire leur travail et nous faire profiter des aubaines, tout en se débarrassant des actifs moins performants.
C’est donc une bonne idée de faire sa contribution REER et CELI au moment où la peur est partout, les meilleurs rendements à long terme fleuriront de la situation actuelle.
Pour les portefeuilles investis, nous visons cette année, beaucoup plus la conservation du capital que la croissance, qui reviendra c’est certain, mais peut-être plus tard cette année. Les fonds ciblés sont délaissés pour des fonds équilibrés de façon générale. Plusieurs de mes clients m’ont d’ailleurs vu déplacer des sommes au courant de l’automne et dans la première semaine de l’année pour justement, être plus conservateur, plus prudent et conséquent. Nous avons toujours eu cette approche, cherchant moins le coup de circuit que le coup sûr. Malgré les gros titres vendeurs qui font peur, nous ne changerons pas aujourd’hui. On garde la tête froide et on se rappelle que nous sommes des investisseurs depuis longtemps, et pour longtemps.
À bientôt.